J. DEMOTES-MAINARD
(Bordeaux)
En permettant le brassage des gènes, la reproduction sexuée apporte quelque avantage aux espèces qui s'y adonnent. Largement répandue dans toutes les formes du vivant, elle n'apparaît pourtant pas comme une nécessité puisque même chez les vertébrés certaines espèces peuvent renoncer, au moins temporairement, à la sexualité. Mais surtout le comportement sexuel connaît une étonnante diversité parmi les espèces ayant opté pour un mode de reproduction sexué. Sans doute cette diversité reflète-t-elle l'importance de la pression sélective qui s'exerce sur la fonction de reproduction.
La valeur sélective des comportements liés à la reproduction s'appuie sur la notion de sélection sexuelle, déjà développée par Darwin : plus que la capacité de survie, la sélection opérerait sur la faculté d'assurer la pérennité de son patrimoine génétique au travers d'une descendance abondante et vigoureuse. De ce fait, l'ensemble des comportements concourant à la fonction de reproduction fait l'objet d'une intense compétition, depuis l'étape de la séduction jusqu'au comportement parental en passant par l'inévitable fécondation. De cette compétition sont nées des solutions des plus ingénieuses et des plus disparates, qui singularisent la sexualité de chaque espèce. En retour, le comportement sexuel peut influer sur l'évolution d'une espèce : habituellement dévolu aux femelles, le choix du partenaire constitue un acte sélectif, de nature à orienter le devenir d'une population. De plus, l'incompatibilité des comportements de séduction entre deux populations d'une même espèce revient à en isoler les patrimoines génétiques et pourrait, au même titre que l'isolement géographique, déboucher à terme sur la constitution de deux espèces distinctes. A cette diversité des comportements de reproduction répondent certaines différences fonctionnelles au sein du système nerveux qui, en tant qu'organe du comportement, constitue la cible de cette pression sélective. Sous l'influence des hormones sexuelles (qui sont pour leur part remarquablement conservées durant la phylogenèse), le cerveau subit d'abord une différenciation sexuelle durant la période pré- ou périnatale, puis exprime le moment venu le comportement reproductif propre au sexe et à l'espèce - choix du partenaire, séduction, copulation, mono- ou polygamie, comportement parental. Etant donné leur importance en regard du devenir de l'espèce, l'ensemble des comportements déterminant la reproduction font l'objet, chez l'individu, de puissants renforcements qui correspondent aux notions subjectives de désir et de plaisir. L'étude comparée du comportement sexuel et des propriétés des structures nerveuses qui le sous-tendent permet de mieux comprendre par quels mécanismes l'évolution ajuste et optimise, selon les contraintes de l'environnement, la stratégie reproductive des individus qui peut infléchir à son tour le devenir de l'espèce.