Résumé :
L'article est basé sur une recherche sociologique (Schurmans & Dominicé, 1997)
dont l'objectif consiste à dévoiler l'impact de l'organisation collective sur
la gestion des expériences individuelles qui, telle l'émergence du sentiment
amoureux, semblent les plus privées. Une étude de terrain a permis de rassembler
250 entretiens de recherche, réalisés auprès d'un échantillon équilibré de personnes
qui ont connu l'expérience d'un "coup de foudre amoureux". L'exploitation statistique
et thématique du matériel dégage deux idéal-types auxquels réfèrent les histoires
d'amour vécues. Il s'agit, d'une part, de l'amour immédiat dont la caractéristique
d'instantanéité se voit doublée de celle d'absence de médiatisation sociale,
et, d'autre part, de l'amour construit dont l'aspect progressif donne place
à l'orchestration sociale de sa genèse. Les résultats mettent en évidence qu'un
amour immédiat ne peut se comprendre qu'en articulation avec son inverse, l'amour
"médiat". La symbolique duelle du feu - figure incontrôlée du feu frappé et
figure domestiquée du feu frotté - génère en effet deux logiques opposées tout
autant qu'articulées, dans lesquelles la négation du temps et de la socialité
est confrontée à la nécessaire inscription des histoires amoureuses dans un
déroulement temporel et dans un système de relations sociales.