Sexe et sexologie : le respect de l'éthique est la règle absolue

F. Hedon (Paris)


Résumé :

Divers faits récents ont mis l'accent sur l'éthique médicale : la publication en décembre 2000 par le Conseil national de l'ordre des médecins du rapport intitulé : Pratique médicale et sexualité (dont le texte intégral est accessible sur le site internet de l'Ordre) et la diffusion par la presse de plaintes pour abus sexuels contre des sexologues.

Redéfinir les limites de ce qui est permis et de ce qui est interdit en sexologie comme en thérapie apparaît comme étant indispensable. Bien sûr, ce sujet a déjà été abordé en long et en large par le passé, de façon précise et complète, mais il mérite néanmoins toute notre attention et le compte rendu de Nadine Grafeille de la réunion de la Commission d'éthique y fait également référence (dans ce numéro de Sexologies, page 44).

Par ailleurs, l'apparition sur internet de sites consacrés à la santé, dans lesquels une large place est faite à la sexualité afin d'attirer les internautes, et qui proposent des conseils de sexologues, voire des "chats" (débats) en direct avec eux, soulève des aspects déontologiques que nous ne pouvons ignorer. Sans parler de ces sites prétendument sexologiques, tous plus farfelus ou mensongers les uns que les autres, que les habitués d'internet ont vu se multiplier.

Nos convictions personnelles ne doivent pas faire oublier que le sérieux de notre pratique n'est pas aussi transparent pour les non-sexologues. D'autant que le terme n'est pas protégé et que quiconque peut l'utiliser sans avoir reçu de formation spécifique.

La sexologie médicale étant maintenant reconnue, il est opportun de clarifier et faire connaître ce que sexologie et sexothérapie entendent être et ne pas être pour éviter des confusions qui porteraient atteinte à la profession tout entière.

La prise en charge sexologique est basée sur une grande confiance du patient envers le thérapeute. Aborder les domaines de l'intimité psychique et somatique et de l'intimité individuelle et conjugale fait accéder à une sorte d'intimité sexuelle, mais elle est d'un tout autre ordre que celle d'une relation sexuelle ou amoureuse.

Le sexe, et ce n'est pas un paradoxe, appartient au domaine de l'interdit. Il est ici dit, questionné, écouté, expliqué, dédramatisé, libéré en paroles et en fantasmes, mais on n'agit jamais. Et si les sexologues-médecins sont parfois amenés à faire se déshabiller leurs patients pour rechercher une anomalie physique, il n'est pas pour autant question d'évaluer ni de provoquer une excitation sexuelle dans le cabinet du sexologue. Les professionnels de la santé sont investis d'un pouvoir que leur confère leur état et c'est à eux d'être les garants de leurs actes, et non aux patients de les remettre en cause ou de refuser de s'y plier. Invoquer la crédulité des patient(e)s serait évacuer le problème par l'ignorance au lieu de le prendre en compte pour mieux le résoudre. En avoir conscience et reconnaître clairement au lieu de l'occulter, c'est déjà le premier pas à faire pour l'affronter et s'en préserver. Il ne s'agit ni de juger ni de condamner, il s'agit de comprendre pour résoudre. Une supervision, à l'écoute des réactions de contre-transfert et de contre-résistances, est souvent profitable au thérapeute qui aurait perdu ses repères.

La pratique médicale expose parfois à des contacts à connotation sexuelle (pelviens, mammaires, etc.) sur des patients dénudés. C'est donc un exercise difficile pour le médecin, et plus encore pour le sexologue, de réussir à ne pas avoir d'attitudes équivoques, y compris dans certains gestes d'examen ou de thérapie corporelle. Au fond, ce qui caractérise l'abus n'est pas le toucher lui-même mais sa teneur et son intention de provoquer une excitation. Le passage à l'acte est assimilable à un abus de pouvoir dangereux pour la poursuite de la thérapie. Le sexologue ne devra en aucun cas céder aux avances ou aux manoeuvres de séduction de ses patients, ni céder à ses propres pulsions sexuelles envers eux.

La sexologie dépasse le champ strict de la psychothérapie, de laquelle nudité et toucher sont absents. Si le sexologue est médecin, l'examen des zones génitales est autorisé voire nécessaire pour éliminer une cause physique. L'"agir sexuel" peut donc se camoufler derrière un geste médical prétendument justifié, ce qui sème la confusion chez le patient. Faut-il alors interdire tout examen ? À qui serait tenté de faire ce choix, il faudrait rappeler l'intérêt de poursuivre les recherches sur la fonction sexuelle, car ce sont elles qui ont permis à la sexologie d'exister.

Le SNMS, dans le cadre de la défense de la profession de sexologue, s'est engagé auprès du Conseil de l'ordre des médecins à faire établir une charte éthique rédigée par l'ensemble des sociétés savantes. Cette charte commune, accompagnée de recommandations sur la pratique sexologique, permettrait d'une part de prendre en compte les spécificités de cette discipline et d'autre part de garantir l'engagement personnel des sexologues diplômés l'ayant signée.



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