Résumé :
Si aujourdhui on parle plutôt de paraphilies parce-que le mot «
pervers » a une notation morale, maintenir lancienne formule permet
de distinguer le « pervers hard » dune nouvelle catégorie
« la perversion soft ».
Le pervers met laccent sur sa satisfaction pulsionnelle et pas sur lobjet
damour. Tous les êtres humains connaissent dans lenfance,
une phase transitoire de perversion, que Freud appelle « la sexualité
polymorphe ». Lenfant, trop immature pour connaître la sexualité
génitale, utilise tous ses orifices corporels pour se donner du plaisir,
sans se préoccuper de la morale. Mûrir cest dépasser
ce stade. Un pervers est quelquun qui ne la pas dépassé
ou qui y est revenu. Par exemple, un enfant placé en situation de voyeur
par rapport à ses parents peut rester fixé à cette expérience
infantile. La pulsion est plus importante que lobjet de la pulsion. Lautre
nest pas un alter ego mais un objet de satisfaction.
Ce nest pas évident de reconnaître rapidement un pervers.
Beaucoup dhommes pervers sont des séducteurs qui peuvent être
charmants. La perversion commence quand la femme est amoureuse, quelle
est attachée. Le pervers commence à montrer son jeu dès
lors quil sent son partenaire en son pouvoir. Il va alors tenter de la
dominer psychiquement en lui faisant croire quil détient le secret
de la jouissance, en réalité il vise à lannuler (le
vrai pervers) ou à son fric (le psychopathe).
Mais les paraphilies sont différentes chez lhomme et chez la femme.
Les femmes sont plus masochistes mais on parle ici de masochisme moral et non
sexuel. Cest un masochisme sacrificiel : elles acceptent de souffrir pour
lautre.
Chez les exhibitionnistes, on trouve autant dhommes que de femmes, mais
le ressort psychique est différent. Chez elles, cest une interrogation
sur leur identité sexuelle propre, alors que lhomme qui exhibe
son sexe, a un désir de choquer lautre.
Toutes les autres paraphilies sont liées à lhomme. Lune
des explications vient de ce que les femmes ont moins besoin de passer à
lacte leurs fantasmes. En outre, elles sont dans la perversion des sentiments
plutôt que du sexe : ce sont les femmes qui aiment trop ou femmes manipulatrices.
Si les paraphilies sont généralement masculines, cest que
lhomme doit constamment dépasser la crainte inconsciente de la
castration. Et il trouve dans sa perversion un moyen de détourner cette
peur.
Mais aujourdhui on distingue le pervers classique des ceux qui font des
microperversions (perversion soft). Le pervers hard est totalement lié
à sa perversion, il en est lesclave et exprime sa sexualité
en fonction dun scénario imposé. Lélément
central de la perversion hard nest pas le sexe extrême mais le manque
de liberté, la prison dans laquelle se réfugie le pervers, quelque
soit le danger quil fuit ce qui le distingue profondément des perversions
soft. Le pervers soft réalise des fantasmes qui, jusques là, navaient
pas dépassé le stade de la représentation imaginaire. Les
couples daujourdhui semblent avoir scellé un pacte inconscient
fondé sur la capacité réciproque à se procurer des
émotions. Quand ça ne fonctionne pas, ils partent à la
recherche dintensité. Auparavant, les gens avaient des fantasmes
sexuels très éloignés de leur réalité mais
qui restaient dans le domaine de limaginaire. Aujourdhui, ils veulent
les confronter à la réalité. Comme ces hommes qui ont une
aventure homosexuelle pour « voir comment cest ». Ils ne deviennent
pas pour autant homosexuels.
Jai vu quelques cas de figures dans le couple où le passage à
la perversion soft a permis de donner plus de liberté à la sexualité.
Dans la plupart des cas, ces couples se détruisent. Parce que lun
des deux demande plus que lautre ou le demande à un moment différent
de lautre.
Certains pervers, à leur manière, aiment leur conjoint : ils peuvent
être détruits quand elle/il les quitte. Mais ce nest pas
de lamour, au sens adulte du terme, celui qui exige réciprocité
et générosité. Cest une forme damour, dit dagrippement,
comme lenfant est agrippé au corps de la mère. Cest
un amour régressif, décrit par le psychanaliste hongrois Imre
Hermann.
Certaines femmes ont été prises dans la séduction initiale
et découvrent, au bout de quelques mois, quelles aiment un pervers
qui les humilie, les exploite, les utilise, et pas uniquement au plan sexuel.
Mais elles restent attachées à leur bourreau parce que, dans ce
cas, il existe un masochisme sentimental lié à leur histoire denfance.
Pour se détacher dun être, il faut défusionner. Or
ces femmes restent dans la fusioin : elles craignent, en la perdant, de perdre
tous ces sentiments, toute cette énergie quelles y ont mise. Dans
ce cas là, une thérapie aide à comprendre que énergies
et sentiments nous appartiennent en propre et ne sont pas liés à
lautre.