LES MICROPERVERSIONS

Willy Pasini


Résumé :

Si aujourd’hui on parle plutôt de paraphilies parce-que le mot « pervers » a une notation morale, maintenir l’ancienne formule permet de distinguer le « pervers hard » d’une nouvelle catégorie « la perversion soft ».
Le pervers met l’accent sur sa satisfaction pulsionnelle et pas sur l’objet d’amour. Tous les êtres humains connaissent dans l’enfance, une phase transitoire de perversion, que Freud appelle « la sexualité polymorphe ». L’enfant, trop immature pour connaître la sexualité génitale, utilise tous ses orifices corporels pour se donner du plaisir, sans se préoccuper de la morale. Mûrir c’est dépasser ce stade. Un pervers est quelqu’un qui ne l’a pas dépassé ou qui y est revenu. Par exemple, un enfant placé en situation de voyeur par rapport à ses parents peut rester fixé à cette expérience infantile. La pulsion est plus importante que l’objet de la pulsion. L’autre n’est pas un alter ego mais un objet de satisfaction.
Ce n’est pas évident de reconnaître rapidement un pervers. Beaucoup d’hommes pervers sont des séducteurs qui peuvent être charmants. La perversion commence quand la femme est amoureuse, qu’elle est attachée. Le pervers commence à montrer son jeu dès lors qu’il sent son partenaire en son pouvoir. Il va alors tenter de la dominer psychiquement en lui faisant croire qu’il détient le secret de la jouissance, en réalité il vise à l’annuler (le vrai pervers) ou à son fric (le psychopathe).

Mais les paraphilies sont différentes chez l’homme et chez la femme. Les femmes sont plus masochistes mais on parle ici de masochisme moral et non sexuel. C’est un masochisme sacrificiel : elles acceptent de souffrir pour l’autre.
Chez les exhibitionnistes, on trouve autant d’hommes que de femmes, mais le ressort psychique est différent. Chez elles, c’est une interrogation sur leur identité sexuelle propre, alors que l’homme qui exhibe son sexe, a un désir de choquer l’autre.
Toutes les autres paraphilies sont liées à l’homme. L’une des explications vient de ce que les femmes ont moins besoin de passer à l’acte leurs fantasmes. En outre, elles sont dans la perversion des sentiments plutôt que du sexe : ce sont les femmes qui aiment trop ou femmes manipulatrices.
Si les paraphilies sont généralement masculines, c’est que l’homme doit constamment dépasser la crainte inconsciente de la castration. Et il trouve dans sa perversion un moyen de détourner cette peur.

Mais aujourd’hui on distingue le pervers classique des ceux qui font des microperversions (perversion soft). Le pervers hard est totalement lié à sa perversion, il en est l’esclave et exprime sa sexualité en fonction d’un scénario imposé. L’élément central de la perversion hard n’est pas le sexe extrême mais le manque de liberté, la prison dans laquelle se réfugie le pervers, quelque soit le danger qu’il fuit ce qui le distingue profondément des perversions soft. Le pervers soft réalise des fantasmes qui, jusques là, n’avaient pas dépassé le stade de la représentation imaginaire. Les couples d’aujourd’hui semblent avoir scellé un pacte inconscient fondé sur la capacité réciproque à se procurer des émotions. Quand ça ne fonctionne pas, ils partent à la recherche d’intensité. Auparavant, les gens avaient des fantasmes sexuels très éloignés de leur réalité mais qui restaient dans le domaine de l’imaginaire. Aujourd’hui, ils veulent les confronter à la réalité. Comme ces hommes qui ont une aventure homosexuelle pour « voir comment c’est ». Ils ne deviennent pas pour autant homosexuels.
J’ai vu quelques cas de figures dans le couple où le passage à la perversion soft a permis de donner plus de liberté à la sexualité. Dans la plupart des cas, ces couples se détruisent. Parce que l’un des deux demande plus que l’autre ou le demande à un moment différent de l’autre.
Certains pervers, à leur manière, aiment leur conjoint : ils peuvent être détruits quand elle/il les quitte. Mais ce n’est pas de l’amour, au sens adulte du terme, celui qui exige réciprocité et générosité. C’est une forme d’amour, dit d’agrippement, comme l’enfant est agrippé au corps de la mère. C’est un amour régressif, décrit par le psychanaliste hongrois Imre Hermann.

Certaines femmes ont été prises dans la séduction initiale et découvrent, au bout de quelques mois, qu’elles aiment un pervers qui les humilie, les exploite, les utilise, et pas uniquement au plan sexuel. Mais elles restent attachées à leur bourreau parce que, dans ce cas, il existe un masochisme sentimental lié à leur histoire d’enfance. Pour se détacher d’un être, il faut défusionner. Or ces femmes restent dans la fusioin : elles craignent, en la perdant, de perdre tous ces sentiments, toute cette énergie qu’elles y ont mise. Dans ce cas là, une thérapie aide à comprendre que énergies et sentiments nous appartiennent en propre et ne sont pas liés à l’autre.



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